Graver Maintenant
Promouvoir l’estampe et la gravure contemporaine

Accueil > Les actions > Tribune libre > Estampe numérique ?

TRIBUNE LIBRE SUR

Estampe numérique ?

Qu’est-ce que l’estampe numérique, nouvelle image ou infographie ?

mardi 20 octobre 2009, par Claude Bureau

Depuis l’exposition à thème "En marge" de 2001, Graver Maintenant, accepte explicitement dans le règlement de ses expositions, outre les techniques traditionnelles de l’estampe, les techniques contemporaines. Parmi celles-ci, les techniques numériques bouleversent les cadres conceptuels et pratiques de l’estampe. Leur usage suscite alors interrogations et débats. Peut-on encore parler d’estampe avec les "nouvelles images" qu’elles produisent ?

L’art de l’estampe, au cours de sa longue histoire, a été confronté à de telles mutations technologiques. Cet art s’en est toujours enrichi. En est-il de même avec les techniques numériques ? Ce forum a donc pour but d’ouvrir ce débat et de confronter les points de vue.

 Art digital

par Jacqueline Fischer

La discussion que vous avez ouverte sur les estampes numériques m’intéresse beaucoup.
Je vous dirai d’abord mon expérience.

Je suis venue à cet art par hasard, puisque je suis essentiellement artiste textile. J’utilise pour faire mes "cartons" des moyens classiques papier et crayon tout simplement, mais j’ai très vite intégré les logiciels graphiques à mon travail, pour des raisons pratiques (travaillant pour des revues je dois fournir des schémas techniques "normés").
Et puis je me suis amusée à travailler et retravailler mes dessins les passant d’un logiciel à l’autre, testant tous les effets et les possibilités qui me venaient à l’esprit, utilisant aussi mes dessins et photos comme pointe de pinceaux, ou fonds.. et plus j’avançais, plus je me rendais compte que c’était proche de ce que je nomme (pardonnez si c’est pompeux) mes "visions intérieures". J’ai détruit plus de réalisations que je n’en ai gardé, m’imposant de ne jamais céder à la facilité de l’effet en deux clics qu’on va retrouver partout, je n’ai gardé que ce qui pour moi offrait signification, écho ou correspondance.
D’un usage voué au hasard, je suis passée progressivement à quelque chose de plus maîtrisé.
Bien sûr par derrière, il y avait aussi le désir de transformer ensuite en ouvrage textile, parce que c’est mon métier actuel. J’ai travaillé un peu avec un groupe anglais spécialisé dans ce type d’adaptation et j’ai beaucoup appris (mais beaucoup moins qu’il ne me reste encore à apprendre, je l’espère).
et puis il y avait tous ces dessins qui restaient inadaptables ou qui en tant que tels me paraissaient avoir un intérêt qu’on va dire esthétique pour faire simple. je les ai montrés autour de moi à des personnes qui pratiquant des arts traditionnels n’étaient pas sujettes à complaisance. Certaines m’ont conseillé de creuser, et de retravailler, ce que j’ai fait.
Ce qui me gênait, à considérer mes productions comme étant des oeuvres d’art, c’était à la fois la relative rapidité avec laquelle elles sont produites (l’art textile est infiniment plus chronophage d’où on infère que le temps qu’on passe donne valeur à ce qu’on produit, ce qui reste éminemment discutable), d’autre part le fait de travailler avec des effets qui n’impliquaient pas directement le geste (quoique dessiner avec une souris d’ordinateur ne soit pas si facile), en fait le travail est autre et peut requérir parfois beaucoup d’essais, d’expérimentations, de tests avant d’arriver à ce qu’on souhaite. Comme dans beaucoup d’autres arts il y a une part d’instinct (que je ne confonds pas avec le hasard des effets automatiques ) et d’étude, de pratique.
En 2007, j’ai montré quelques résultats sur la galerie d’art virtuelle Arts-up, et j’ai eu la joie d’être au départ d’une nouvelle section pour "estampeurs" numériques qui accueille beaucoup plus professionnel que moi en l’occurrence.
Ce fut l’occasion de réfléchir à ce qu’était l’estampe numérique et d’essayer de la définir.

http://www.arts-up.info/art_digital.htm

http://www.arts-up.info/art_textile_2009/estampes_art_textile_2008.htm

Ce qui me gêne un peu, dans la dénomination c’est le terme d’estampe. Je connais mal l’art des graveurs, mais j’en sais assez pour me rendre compte que c’est quand même une technique autre ; il faut bien rattacher ce qu’on nomme aussi "art digital’ à quelque chose de connu , et j’ai trouvé d’ailleurs très généreux à vous de l’accueillir et de lui donner audience. Le point commun semble résider dans l’impression et le tirage, mais les moyens mis en oeuvre pour générer l’image me semblent fondamentalement différents. L’image numérique à mon sens devrait pouvoir aussi être montrée sur écran, sans support. L’art de l’estampeur n’intervient qu’en second lieu quand on décide -ou non- d’imprimer. L’intérêt même de les mettre sur papier se discute.
Il faudrait évidemment concevoir des lieux (si ce n’est déjà fait) où l’on puisse projeter ces images. Cela n’empêche ni l’impression si on le souhaite, ni l’adaptation dans un autre art.